PARC DES BÂTES
Lettre ouverte aux drouais
 
Le conseil municipal vient d’en prendre la décision (l’Echo samedi 1er juillet) : 90 maisons privatives prendront prochainement la place d’un grand espace de verdure au coeur de la ville de Dreux, d’une promenade dans la nature accessible à tous sans prendre la voiture, d’un parcours de jogging à la crête du coteau des vignerons offrant la plus belle vue sur la ville, d’un espace de liberté où nos enfants construisent des cabanes où des bosquets intimes abritent les coeurs adolescents, d’un théâtre de verdure où s’éclaire au couchant les toits de la ville, le Beffroi, l’église St-Pierre et la chapelle Médicis, d’un verger déjà partagé entre tous les drouais où se trouvent conservés et goûtés les essences fruitières locales anciennes, du seul lieu au coeur de Dreux où pourraient se rassembler dix milles personnes pour un festival estival de musique où l’on viendrait à pied et resterait tard après la fête dans la nuit noire pour regarder allongé sur l’herbe à la mi-août la pluie d’étoiles filantes.
 
Cette immense richesse nous est promise depuis plus de cinquante années, lorsque le conseil municipal de Dreux décida de geler un espace foncier au coeur de la cité pour créer un parc - pas un jardin public - non, un parc de quatorze hectares dans un urbanisme alors en pleine crise de croissance ? C’était un geste visionnaire à une époque où l’on ne pouvait deviner, le bouleversement écologique, le changement climatique, la régression de la nature, la disparition intensive d’espèces végétales et animales et notre immense faiblesse face aux conséquences désormais attendues de notre incommensurable responsabilité.
 
Lorsqu’en 1984, la municipalité de Jean Hieaux décida d’entreprendre la réalisation du parc, une stupide vision d’urbaniste faillit à coup de bulldozer en hypothéquer le potentiel. Pour sauver le coteau, ses caves historiques, ses arbres et ses vergers anciens un groupe de citoyens s’opposa in extremis avec force de propositions alternatives et constructives : c’est ainsi que naquit Flora Gallica, sa vigne associative et le musée du vin, que des fruitiers furent plantés en partage dans le futur parc où les sculptures en bois du programme Urbart en cours de création devaient prendre place.
 
Aujourd’hui, nous sommes au pied du mur, dans l’urgence d’agir pour l’avenir immédiat de notre planète, pour la survie de notre espèce, de nos enfants. L’impact énergétique de notre actuel mode de vie est une impasse et nous percevons tous à des degrés divers la nécessité impérieuse de changer notre quotidien pour atténuer les conséquences des bouleversements en cours. Marcher et respirer, boire de l’eau pure et consommer des aliments sains deviennent de grandes priorités pour chacun de nous, surtout en ville. A l’avenir, nous serons moins mobiles assurément mais les générations qui suivront ne mériteront pas moins de vivre heureux. Ce précieux trésor en attente de concrétisation est une chance pour les drouais de demain.
 
Aussi, lorsque en 2013 des promoteurs immobiliers et autres entremetteurs approchèrent nos élus dans la perspective de faire main basse sur le bien commun c’est qu’ils en avaient bien jaugé le potentiel… financier. Ainsi la première décision du conseil municipal (2013) de vendre la majorité de la surface du parc des bâtes à des intérêts privés fut un tel anachronisme que seul aurait pu le justifier une nécessité telle qu’une banqueroute des finances de la ville, ce qui n’était pas le cas. Nous avons alors immédiatement une nouvelle fois réagi. Une pétition lancée par Jacques Beluard et toujours en ligne (1) à recueillit de très nombreuses signatures (électronique et sur formulaire papier). Le site internet du parc des bâtes (2) fut extrêmement visité et Hubert Reeves, notre principal soutien à l’échelle nationale nous ouvrit les colonnes du site de l’association qu’il préside, Humanité Biodiversité, pour faire écho à notre démarche (3).
 
Suite à ces actions, M. Le Maire, Gérard Hamel accepta un dialogue informel. Les arguments échangés, une réelle ouverture d’esprit nous semblait-il, et la promesse faites de nous associer à une concertation au sein d’une commission municipale ad hoc, fut pour nous, pendant trois années un gage de bonne foi. Nous avions dans cette perspective conçu des solutions de compromis à l’interface entre le parc et la cité des Bâtes. Ainsi allions-nous proposer l’achèvement de quelques rues et la construction d’une dizaine de maisons individuelles. Nous avions acquit une telle confiance que nous invitions notre Maire à donner son nom à ce parc qui ferait de Dreux une cité exemplaire et honorerait son parcours dans la mémoire collective. Le maire de Dreux a-t-il oublié la promesse qu’il nous a faite ou des raisons impérieuses l’ont-il contraint à manquer à sa parole ?
 
Que notre confiance se soit sentie trahie importe peu. Ce qui importe pour tous les drouais est de rattraper la faute politique avant qu’il ne soit trop tard. Il est encore temps entre gens de bonne volonté de dialoguer de nouveau et de trouver des compromis. Le parc des Bâtes est un projet d’intérêt public au service du bien être collectif, qui fut porté par tous les élus de Dreux, droite et gauche confondue, depuis cinquante années. Il ne peut pas soudain être retranché du bien commun pour servir des intérêts privés (perdre la moitié de sa surface c’est en effet le réduire à un jardin de quartier). Nos élus qui sont aussi parents ou déjà grands parents, ont-ils clairement pesé, pour nous tous puisque telle est leur mandat, mais aussi intimement pour leurs propres enfants et petits enfants, les conséquences de leur décision ? Sont-ils encore en mesure au regard de tous et en tout honneur devant l’impérieuse nécessité collective de la remettre en question au profit du bien commun ?
 
Mais, s’il était déjà définitivement trop tard, il nous faudrait alors éclairer les zones opaques de la décision prise par l’actuelle majorité du conseil municipal afin de connaître le fond de la question. Car, si nous ne voulons pas croire à la toute puissance de mains corruptrices, les citoyens seraient quant à eux en droit d’exiger une enquête publique à ce sujet.
 

(1) http://petitionpublique.fr/PeticaoAssinar.aspx?pi=BELUARD
 
(2) http://www.parc-des-bates.sculpt.fr
 
(3) http://www.humanite-biodiversite.fr/article/au-coeur-de-dreux-1-un-havre-de-vie-et-de-paix